
03.10.2012
Des loyers sans limites
Des logements de luxe sont loués au prix fort dans les villes internationales. Le long du Léman, ce genre d’objet se négocie à la baisse.
Il n’y a pas que dans le marché immobilier de la vente que les prix peuvent atteindre des niveaux difficilement tolérables pour le commun des mortels. Dans celui de la location aussi. Plus précisément dans le segment du haut, voire du très haut de gamme. Le manoir Woolworth, en ville de New York, en est un exemple.
Située dans le quartier bourgeois de l’Upper East Side, la maison de ville a été construite en 1916 par Frank Woolworth (créateur notamment de l’enseigne de vêtements de sport Foot Locker) pour la cadette de ses trois filles. Les propriétaires actuels ont décidé de mettre la demeure en location. Celle-là présente une surface habitable très généreuse de 2000 m2, une salle à manger de 150 places, un solarium et une master suite avec deux salles de bains. Surtout, les lieux ont été restaurés et rénovés avec toutes les fonctionnalités modernes et offrent un riche mobilier.
Tarif pharaonique
Mais ce luxe a un prix, pharaonique. Le manoir est proposé à près de 142 000 francs par mois! Non, il n’y a pas un zéro de trop. En fait, il y en a même un à ajouter. Les locataires intéressés devront en effet être prêts à débourser au moins 3,4 millions de francs. Et pour cause: le bail prévoit une durée minimale de location de deux ans. Et cela sans compter le montant de la caution, qui n’a pas été précisé. Ce qui fait du manoir Woolworth «la plus chère maison de ville en location» au monde, selon le New York Daily News. Un tel montant est bien sûr exceptionnel, hors norme. Il n’en est pas moins symptomatique des excès du marché de l’immobilier de luxe dans les quartiers huppés de certaines mégalopoles internationales.
Dans l’arc lémanique, région où la pierre coûte cher (a fortiori si elle est précieuse) et qui est appréciée par les people et autres grandes fortunes, les objets haut, voire très haut de gamme semblent ne pas atteindre de tels sommets, mais leurs loyers sont déjà suffisamment élevés pour donner le vertige. «Nous avons dans notre catalogue une villa à Cologny de 900 m2 habitables, non meublée, avec jardin et vue sur le lac, qui est à louer pour 70 000 fr./mois. Ou encore un appartement en ville de Genève, proche du quartier des organisations internationales, de 650 m2, en attique, à 27 000 fr./mois», présentent Laurence Duez et Diane Galladé, respectivement gérante du portefeuille «non meublé» et gérante du portefeuille «meublé» du service des locations résidentielles à SPG Finest Properties (le département d’immobilier de luxe de la Société Privée de Gérance), à Genève. Toujours au bout du lac, leur consœur de Bory & Cie, Julie Skibinski, refuse de communiquer sur des tarifs précis, mais reconnaît que certains biens haut de gamme proposés à la location par son enseigne «se trouvent dans cet ordre de prix». Sur Vaud, Yves Cherpillod, directeur adjoint de De Rham Sotheby’s International Realty et responsable de la zone Lavaux-Versoix, indique proposer une villa avec piscine, située à Saint-Sulpice, au bord du lac, pour le prix (presque modeste en comparaison) de 25 000 fr./mois.
S’ils restent encore inabordables pour le locataire lémanique lambda, les loyers des biens haut de gamme sont toutefois en baisse. La tendance est relevée par tous les professionnels interrogés. C’est que la crise économique est passée par là. «Les hauts cadres perçoivent généralement de leur entreprise une indemnité de logement, qui est versée avec leur salaire, expliquent Diane Galladé et Laurence Duez. Or celle-là est en baisse de 20% en moyenne depuis 2008, les sociétés cherchant à réduire leurs dépenses en raison du ralentissement conjoncturel.» - «De plus, certains de ces top managers ont été licenciés ou mutés ailleurs dans le cadre de restructuration de leur entreprise, poursuit Julie Skibinski. Le résultat fait qu’il y a moins de clients dans la région qui ont les moyens de louer de tels objets, et ce alors que de nouvelles locations ont été introduites sur le marché.»
Un pouvoir d’achat (ou plutôt de location) en régression, une offre plus forte que la demande: les propriétaires doivent se faire pragmatiques et revoir leur prétention de loyer à la baisse s’ils veulent réussir à louer leur bien le plus vite possible. «Les loyers de départ ont été établis en 2008-2009, à une époque où on ne parlait pas encore de crise», ajoute Julie Skibinski. Les propriétaires les plus intraitables devront sinon prendre leur mal en patience. Et avoir les moyens d’attendre: «Un produit de qualité proposé à un prix juste peut se relouer entre quinze et trente jours, assure le duo Galladé-Duez. Dans le cas contraire, la vacance peut durer plusieurs mois.» Or une location qui est vide est une location qui ne rapporte rien.
Cette situation profite directement aux locataires, qui se trouvent désormais en position de force relative: «Les clients n’hésitent plus à négocier le loyer initial demandé», relève Yves Cherpillod. «Et ces locataires-là sont de fins négociateurs», sourient Diane Galladé et Laurence Duez. «En général, on réussit à décrocher une réduction jusqu’à 10% par rapport au montant affiché ou à négocier pour le même loyer des prestations supplémentaires», constate Julie Skibinski. A bon entendeur!