
01.06.2017
La guerre aux faillites abusives est lancée
En attendant une nouvelle loi fédérale, les cantons romands cherchent déjà des solutions pour contrer les entrepreneurs malhonnêtes.
L’affaire de fraude à la caisse cantonale de chômage vaudoise, révélée fin avril, avait fait éclater au grand jour les manœuvres malhonnêtes de patrons qui pratiquent les faillites en série. En changeant légalement de district après une banqueroute, ils changeaient en même temps de registre du commerce et pouvaient facilement créer de nouvelles sociétés en échappant à la suspicion des offices sur leurs abus.
Le 11 mai, le Grand Conseil valaisan a voté à l’unanimité l'introduction d'un futur registre cantonal qui empêchera «ce tourisme des districts». Une idée qui avait germé déjà bien avant la révélation de l’escroquerie vaudoise. A l'heure actuelle, «si une personne est poursuivie dans le district de Conthey, puis qu'elle déménage à Martigny, la poursuite restera inscrite dans le registre de Conthey alors que celui de Martigny sera vierge», constate la Commission des institutions.
Même chose dans le canton de Vaud, où rien n'a encore été fait pour créer un registre centralisé malgré le choc causé par ce vaste scandale, regrette Frédéric Burnand, porte-parole de la Fédération vaudoise des entrepreneurs.
Les débats auront lieu surtout à Berne
La loi sur les faillites étant fédérale, d’autres espèrent même la mise en réseau des registres au plan national. Eric Hess, conseiller national (UDC/BE), a déposé une initiative parlementaire en ce sens qui bénéficie d’un large soutien. La gauche souhaite aller encore plus loin dans le durcissement de la loi. Jean Christophe Schwaab (PS/VD) préconise une solution «à la belge», avec un nombre limité de faillites possibles avant de tirer la prise: «Au bout d'un moment, quand ça devient suspicieux, il faut dire stop.»
A droite, cette proposition ne fait pas mouche. Philippe Nantermod (PLR/VS) la trouve trop rigide et cherche plutôt «un équilibre entre la liberté d’entreprendre et les abus qui peuvent en découler». Il prône «des mesures pénales contre les «serial failers», sous forme d’interdiction d’exercer une profession».
Le Conseil fédéral doit présenter, d’ici à l’automne, un projet de loi. Nul doute que la récente affaire vaudoise alimentera les débats.
Fribourg s'alarme aussi
Jean-Daniel Wicht, directeur de la Fédération fribourgeoise des entrepreneurs et député PLR au Grand Conseil, déplore la passivité des autorités. «Sur une moyenne de 250 faillites annuelles dans le canton, 20 sont frauduleuses, s'alarme-t-il. Ici aussi, des entreprises jouent avec les districts. Il faut déclarer la guerre à ces abus. La loi actuelle est là pour les gens honnêtes, il est absolument nécessaire de la changer.» Un autre député, Jean-Daniel Chardonnens (UDC), a interpellé le Conseil d'Etat, qui devra se prononcer sur les mesures à prendre.
Une fraude bien huilée
Dans le canton de Vaud, les filous créaient de faux profils d'employés juste avant de couler leur entreprise, et profitaient des failles du système pour toucher indûment des indemnités de chômage. Un simple changement de district, et donc de registre du commerce, leur permettait de créer de nouvelles sociétés et de répéter l'opération. Le montant de l'escroquerie a été estimé à 3 millions de francs. Plusieurs patrons de la construction, ainsi que deux collaborateurs d'UNIA complices de ce système, ont été arrêtés.