
18.02.2014
Les rêves et la réalité des tours du Grand-Lausanne
Les édifices prévus dans la région sont disséminés sur le territoire. Pourquoi? Est-ce une bonne idée?
Bussigny, Chavannes, Beaulieu. Les projets de tours s’enchaînent plus que jamais. Reste-t-il encore beaucoup de projets dans les tiroirs des Communes? Un rapport sur les tours rédigé dans le cadre du projet d’agglomération Lausanne-Morges (PALM) reste, pour l’heure, confidentiel. 24 heures se l’est procuré fin 2013. Il contient une carte, établie en 2011, qui dresse l’inventaire des dix-sept projets de la région. Nous l’avons réactualisé. L’agglomération lausannoise aura-t-elle des allures de petit Manhattan? La carte pourrait le laisser penser. Mais trois données relativisent fortement cette perspective: la dispersion des édifices sur le territoire, le degré souvent faible d’avancement des projets et leur hauteur, qui dépasse rarement les 60 m.
«Elles ont tout leur sens»
L’édifice accepté le 9 février par Chavannes en est un bon exemple. Et il en sera de même pour Taoua. Deux tours qui seront bien solitaires dans des quartiers au bâti plus bas. Est-ce une bonne idée de construire des objets à ce point dispersés? Pour l’architecte cantonal Emmanuel Ventura, il n’y a aucun problème. «Je conçois Lausanne comme un quartier de la métropole lémanique, qui va de Genève à Villeneuve et qui forme une seule grande ville de 1,2 million d’habitants. A partir de là, la présence de tours a tout son sens, où que ce soit.»
Laurent Guidetti a décroché, avec son bureau d’architectes TRIBU, le mandat des Plaines-du-Loup, qui contient une tour. Pour lui, cette zone a des allures de «bout du monde, complètement ouvert. Et tout à coup, on est dans une ville du XXIe siècle.» Il voit la tour du projet comme «l’élément premier de l’écoquartier, qui en émergera». Philippe Gmür, chef du Développement territorial, offre une explication historique à cette dispersion. «Au fond, dans le Canton, et spécialement à Lausanne, nous n’avons presque jamais construit de quartiers entiers.»
Sur la carte apparaît une exception: un alignement de six tours est envisagé le long du futur boulevard de l’Arc-en-Ciel, qui regroupe les routes de Renens et de Bussigny. «Cela peut faire penser au quartier de la Défense, à Paris, compare Emmanuel Ventura. Là, un choix a été fait: créer, une ville nouvelle, un nouveau pôle. A-t-on besoin de ça ici? Certainement pas. Des centralités importantes existent déjà, autour des gares. Et c’est sur ces axes de mobilité qu’il faut densifier.»
Une mode
Autre constat à l’examen de cette quinzaine de projets: la plupart d’entre eux n’existent presque que sur la carte. Pas de concours d’urbanisme programmé, pas de promoteur. Bref, les objets qui figurent à l’inventaire des tours du PALM sont souvent les souhaits d’urbanistes ou de promoteurs. Seuls quatre ont de vraies chances de voir le jour. «Nous avons aussi fait figurer des tours qui ne sont que des possibilités issues de réflexions directrices», explique Ariane Widmer, cheffe du Schéma directeur de l’Ouest lausannois. Ainsi, nombre de ces constructions n’ont pas de garantie d’être réalisées. «Il y a une mode, dans les concours d’urbanisme, de mettre des tours dans tous les projets proposés, relève un technicien du Nord lausannois. Cela ne veut pas dire qu’il y en aura forcément.»
Tout comme pour leur emplacement, l’architecte cantonal ne voit pas de règle précise en la matière. «La tour, depuis toujours, est un outil parmi d’autres pour densifier, rappelle Emmanuel Ventura. Et avec toute cette panoplie à disposition, on recherche des solutions pour y faire habiter les gens. Lorsqu’elle répond à une nécessité, elle a son sens. Mais elle ne doit pas être un automatisme.»